Alors que Solidaris dénonce des pratiques contraires aux directives nationales de dépistage du cancer du col de l’utérus, certains laboratoires et gynécologues mettent en avant l’intérêt des co-tests pour renforcer la détection des anomalies, malgré des coûts supplémentaires pour les patients. Un débat où efficacité scientifique et contraintes financières s’affrontent. Le sujet a été abordé lundi lors de la médicomut.
Solidaris, la mutualité socialiste, a dénoncé dans un communiqué début de semaine des pratiques de certains pathologistes, accusés de contourner les directives nationales sur le dépistage du cancer du col de l’utérus pour des raisons financières. Ces professionnels seraient à l’origine de tests non conformes aux recommandations, pénalisant ainsi les patientes.
Une enquête rapide révèle néanmoins qu’un certain nombre de laboratoires ont également créé des formulaires de demande conformément à l’algorithme de dépistage approuvé à l’échelle nationale, tel qu’il a été rédigé et soutenu par Sciensano ainsi que par les organisations gouvernementales et professionnelles concernées. Cette stratégie de dépistage résultant de vastes consultations et d’une collaboration avec les acteurs de terrain.
« Il n’est évidemment pas normal que les directives convenues et scientifiquement fondées ne soient pas suivies, voire complètement ignorées ! Cependant, il existe des lignes directrices internationales qui justifient scientifiquement les tests primaires avec le HPV. Il y a la recommandation du Conseil européen, le rapport du KCE... et le consensus au sein du monde scientifique belge dirigé par le Centre National de Référence HPV. Toute la littérature est analysée et suivie par les experts scientifiques du NRC. Il existe une petite étude belge en faveur du co-test, mais les résultats de cette étude ne sont pas confirmés par les experts. Pourtant, certains décident d’ignorer cette évidence », explique une source.
Stop aux mensonges
Il n’est pas normal que des mensonges soient avancés ou suggérés dans la communication aux prescripteurs et aux assuré(e)s, comme le fait de prétendre qu’un 2ᵉ test supplémentaire « apportera la tranquillité d’esprit et évitera le stress » à l’assuré(e). Pour rappel, ce test supplémentaire, c’est-à-dire le 2ᵉ test, est à la charge de l’assuré(e). Les laboratoires factureraient entre 18 et 30 € pour ce test.
Des actions contre les excès
Pour lutter contre ces excès, les organisations professionnelles VVOG et CRGOLFB travaillent à l’élaboration d’une communication commune pour leurs membres, dans laquelle le respect des algorithmes convenus est exigé. Par ailleurs, une lettre officielle du NRC sera envoyée aux laboratoires, exigeant le respect des algorithmes, en priorité pour les laboratoires affiliés au NRC.
Il est également prévu une consultation avec les entités fédérées qui invitent les assuré(e)s via une lettre d’invitation (Flandre et Wallonie).
Enfin, une réflexion est en cours pour l’envoi d’une lettre officielle de l’INAMI à tous les médecins et laboratoires, les exhortant à respecter les directives et à ne pas répercuter la facture sur les patients. L’avis de l’Ordre des médecins sera également sollicité sur les enjeux éthiques.
Nuancer le débat
Autour de la table, d’autres réalités sont rappelées. « Jusqu’à présent, certains laboratoires effectuaient des co-tests : cela signifie à la fois la cytologie, entièrement remboursée, et le HPV, qui n’est pas remboursé à ce moment-là. Et cela pour les patientes de gynécologues qui en faisaient la demande. Les patientes étaient informés. La raison était simple : grâce aux résultats HPV, il est plus facile de détecter qu’un problème pourrait survenir, comparé à la cytologie seule.
Il faut également noter que 10 % des cancers du col de l’utérus ne sont PAS liés à une infection antérieure au HPV. Par ailleurs, le « Centre de détection du cancer » (CVKO) a annoncé dans un rapport de 2022 que 9,9 % des tumeurs invasives du col de l’utérus étaient négatives pour le HPV.
Cela montre que les tests conjoints peuvent avoir une valeur ajoutée. Mais soyons clairs : un dépistage supplémentaire par cytologie dans toute la Belgique serait inabordable. Chaque dépistage et chaque vaccination implique une analyse coûts-avantages, car une couverture ou une précision à 100 % n’est jamais garantie. »
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