Alors que le projet existe déjà dans les pharmacies bruxelloises, à partir du 16 septembre, les patients wallons auront la possibilité de se rendre dans une officine en Wallonie pour se procurer un kit de dépistage du cancer colorectal. Le cancer de l’intestin est le 3e cancer le plus fréquent chez l’homme et le 2e plus fréquent chez la femme. Pour rappel, 9 cas de cancer colorectal sur 10 se guérissent.
Charline Lenaerts, docteure en pharmacie, responsable des projets scientifiques de santé publique à l’AUP (Association des Unions professionnelles des Pharmaciens indépendants de Wallonie) et directrice de l’office de tarification de l’UPHOC, nous détaille le projet : « Nous avions proposé une première fois ce projet à l’AViQ en mars 2023. Cette action de sensibilisation et de dépistage est un projet pilote d’une durée limitée, qui s’inscrit dans le cadre du plan de relance de la Wallonie. Elle est portée par le CCRef (Centre de Coordination et de Référence pour le dépistage des Cancers), l’AViQ, et le gouvernement de la communauté germanophone. »
Le pharmacien, acteur de la prévention
Cette démarche est essentielle : « Avant tout, il est important de rappeler que ce test de dépistage ne détecte pas directement un cancer, mais bien des traces de sang pouvant être liées à la présence éventuelle de polypes. Le pharmacien joue un rôle important en matière de prévention, d’autant plus que le Wallon n’est pas le meilleur élève à ce niveau. »
Elle mène un travail de fond en la matière : « Je fais partie de plusieurs task forces, notamment en termes de prévention. Le patient doit être approché différemment en Wallonie, avec un contact personnalisé. Le pharmacien va lui expliquer à quoi sert le test, qu’il est gratuit, indolore, facile à réaliser, et qu'il peut le faire chez lui à son aise. C’est très différent de la stratégie employée au Nord du pays, où le test est envoyé à domicile à une personne remplissant les critères d’éligibilité. Les mentalités sont différentes. »
Un test gratuit
Concrètement, ce test sera accessible gratuitement dans l’une des 1 553 pharmacies en Wallonie. « Cela concerne les patients âgés de 50 à 74 ans inclus, résidant en Région wallonne, n’ayant pas fait le test de dépistage courant de l’année civile précédente et/ou n’étant pas exclus temporairement ou définitivement de ce dépistage. Jusqu’ici, ils recevaient un courrier les invitant à se faire dépister grâce à un kit "Colotest", pouvant être obtenu par le biais de leur médecin traitant ou du CCRef. Désormais, nous leur offrons l’opportunité de se le procurer directement en pharmacie. »
Différences avec le projet bruxellois
Les différences entre les projets bruxellois et wallons sont minimes. "Parmi celles-ci, le patient peut aller demander le kit à son pharmacien sur la base du courrier reçu, ou bien le pharmacien peut le lui proposer de sa propre initiative en vérifiant les critères d’éligibilité. Le pharmacien se connecte sur une plateforme avec un identifiant et un mot de passe pour vérifier ces critères. »
La plateforme wallonne est un peu plus complète car les tests seront enregistrés dans chaque officine : « Cela permettra aussi d’évaluer la pertinence de ce projet à terme. Par ailleurs, le pharmacien enregistrera qu’il a bien remis un test. Il assurera également un suivi en demandant, lors de la prochaine visite du patient, s’il a bien effectué son test et l'a renvoyé par la poste. Le défi est là évidemment, car aujourd'hui beaucoup de tests ne sont pas réalisés. »
Une fois le test réalisé, le patient doit renvoyer l’échantillon au plus vite par voie postale (une enveloppe est prévue à cet effet dans le kit).
Le lien avec le généraliste
Dans ce type de projet, le pharmacien et le médecin peuvent très bien collaborer pour une meilleure prévention : « Personnellement, je ne vois pas la distribution des colotests en officine comme un transfert de compétences, mais plutôt comme une complémentarité dans l’offre de soins, indispensable pour la continuité des soins et surtout afin d’augmenter le dépistage du cancer colorectal en Wallonie, un véritable enjeu de santé publique. Le généraliste reste le garant des résultats des tests. Si le patient n’a pas de généraliste, un médecin référent (du CCRef) prend en charge le patient si le résultat est positif. Si le résultat est négatif, le patient est invité à refaire un test deux ans plus tard. Le test lui est alors envoyé directement à domicile. »
Le financement
Reste la question du financement : « Le projet est financé grâce à l’enveloppe du plan de relance de la Wallonie. Ce qui coûte le plus cher, c’est le test. L’honoraire du pharmacien est l’honoraire classique de délivrance de l’Inami, soit 5,36 euros TVA comprise. »